Ou :
le dîner de con
(notons le singulier).
Attablé devant un iMac 20 pouces (environ 15,4 auriculaires en mesures de petit doigt), le papa des Museaux fait tomber des miettes de baguette tradition dans son clavier (point trop grave, il est sans fil, donc facile à secouer au balcon comme un vulgaire tapis), tandis qu’il déguste un Camembert platreux (deux jours d’affinage de plus ne l’ont pas amélioré, dorénavant il passera ses nuits sur une étagère, plus de frigo pour lui !), un peu de Comté, un Saint Félicien piquant et coulant, parfait, et un peu de gruyère, et un petit pot de beurre.
Arrosant tout celà de Gigondas, une erreur, nous l’admettrons, mais c’est le seul rouge qu’il reste au premier (et descendre à la cave laissant la maison seule ne peut s’envisager) et de toute façon il accompagnerait parfaitement de la cuisine de terroir (filet de boeuf aux olives, veau orloff, etc), que l’on ne sert pas à Bellefond. Le Gigondas ne sied pas au Comté, amis lecteurs, notez le pour votre gouverne.
Dans une chambre voisine, les museaux dorment, épuisés sans doute, et de toute façon il est passé l’heure du coucher, donc s’ils ne dormaient pas ça risquerait de chauffer à trois je viens et c’est la fessée etc.
Mais on est sorti en forêt avec étang canards et soleil dans les sous-bois ce jourd’hui, et la fatigue est rapidement venue calmer ces petits.
En fin de première histoire, le Museau s’est même fendu d’un “Moi je vais aller me coucher parce que je suis bien fatigué. Tu viens te coucher, Vio?” (oui, il appelle sa soeur “Vio”, et pourtant PERSONNE dans ce foyer ne l’appelle jamais ainsi. En même temps, présenté à un Timothy aujourd’hui, le Museau l’a aussitôt interpellé sous le vocable de “Tim”, donc le Museau a l’esprit de synthèse et la familiarité rapide).
En fin de PREMIERE histoire.
L’auteur de ses lignes a pris son carnet pour le noter, car c’est historique. (Son carnet, vous l’avez sous les yeux, je vous décevrais en vous laissant croire qu’un jour, plus tard, vous auriez la chance de découvrir l’intégrale de “Museaux’ Story – unabridged! The full diaries! No editor’s cut! With bits of cheese in it!”… Lorsqu’après sa mort, on découvrirait des centaines de petits carnet moleskine noirs remplis d’une écriture dense et d’anecdotes impayables… Mais non, hélas, depuis 1997, aucun journal de bord n’est plus tenu par l’auteur de ces lignes, si ce n’est ce blogue à quatre mains qui recense quelques évenements choisis de la vie d’un foyer parisien. Bon. Je reprends.)
Pourquoi, tardivement, ainsi posé devant des fromages et un vin inadapté ?
Et bien, s’il faut l’avouer, c’est parce que la maîtresse des lieux, notre ChaTigresse de ménage, s’est envolée dans le matin blême (d’accord, plutôt dans un début d’après midi riant et ensoleillé) d’octobre pour un des fiefs historiques de l’Acadie, le petit groupe insulaire de Saint-Pierre et Miquelon (et Langlade).
Saint Pierre et Miquelon, 20 miles nautiques au sud de Terre Neuve, vague archipel de trois îles et environ sept mille habitants, ni un DOM ni un TOM, apparemment un COM, si l’on en croit wikipedia, un seul hotel trois étoiles (devinez où descend notre avocat?), une impression de bretagne sans la pierre des maisons (en bois, sur des iles sans arbres?), trois heures d’avion depuis Montréal en ATR 42-320 (immatriculation F-OHGL “Albert Briand”, 42 places et des toilettes), un seul avocat, un tribunal de premier instance et un tribunal administratif.
La ChaTigresse vole vers ces flots bleus, et des landes vertes, pour une expertise, pour le travail quoi.
Si elle se pose à Montréal (elle y est actuellement, soit en train d’écumer le duty free du Pierrre Trudeau Interchional Aiport, soit prostrée dans un coin en train de souffler dans un sac en papier – elle n’aime pas les vols en petit avion, donc l’angoisse nous guette – ), elle n’y restera que 2 heures, et au retour idem.
Car de Montréal, justement, viennent vers la France tous ces cousins qui veulent marier le Dominique et la Camille, le ouiquende prochain. Donc pas de raison de s’arrêter, ni même le temps de profiter de la belle province, on rentre mercredi matin.
Le résultat en est que les Museaux sont à la charge de leur grand dadais peu débrouillard, et pas doué pour raconter les histoires, de père.
Mais, ils ont reçu des instructions expresses et maternelles, d’être bien sages, d’être bien gentils, et jusqu’à présent (à part la tentative de Miaulette de manger la cire rouge de son Babibel, tout en gratifiant son père d’un “Merci Papa” enthousiaste, et les essais infructeux du Museau de se jeter à l’eau aux étangs de Ville d’Avray, sous le prétexte d’en frapper la surface avec un baton depuis un ponton branlant, ou encore ses velleités de s’estropier en chutant de vélo sur les chemins -toujours au bord des susdits étangs-), on peut dire que le contrat est tenu.
En même temps, on se sera bien gardé de leur mentionner le fait que, ce soir, c’est la Nuit Blanche sur Paris, ou que, ce soir encore, les All Blacks affrontent les Bleus (A l’heure où j’ecris ces lignes des gens, ont hurlé dans les cours d’immeuble,et l’équipe point fr me confirme que les All Blacks sont noirs). Donc les Museaux croient que c’est un ouiquende comme les autres, juste sans Maman, mais c’est apparemment une raison pour se comporter en bambins adorables.
Et dormir comme des loirs.
Pendant ce temps leur mère se demande si elle doit absolument leur rapporter de la conserve de morue sechée, ou un petit bateau sculpté en bois représentant les fiers pêcheurs de Saint Pierre bravant la tempête et les zones de pêche nationale du Canada pour ramner à leurs enfants transis de succulentes morues.
J’ai fini mon verre de vin, rangé les fromages, éteint les lampes de la maison, et vais aller dormir dans un lit trop grand pour moi, en attendant l’appel de 2 heures du matin qui me confirmera que le vol Montréal – Saint Pierre a bien eu 25 minutes de retard et un parcours sans souci (là bas aussi c’est donc la nuit blanche? Ou le décalage horaire, ma brave dame).