Adieu Belfon…

Les dernières semaines n’ont pas été de tout repos.

Et maintenant que se calme un peu le grand tourbillon que l’on avait soi-même déclenché et qui tout emporta vite en tournant en tournoyant en bougeant tout et tout partout, maintenant que la poussière est retombée, que les cartons sont en train de se vider, que les enfants ont arrêté de courir dans le grand couloir pour gentiment se coucher dans une chambre presque identique à l’ancienne, maintenant que l’on se retrouve tard dans un grand appartement encore inconnu, face à la ville, avec pour voisins d’en face des lampadaires et des ambulances qui passent en toulouloutant très fort, on commence à se rendre compte de ce qui s’est passé.

En deux semaines, on a fermé la porte de l’appartement de Belfon.
En deux semaines, après cinq ans et quatre mois et trois jours, on a quitté la première tanière des museaux.

En deux semaines, on a dit (ou pas eu le temps de dire) au revoir à:
– nos amis d’en face franco-britanniques
– nos amis d’en face franco-Budapest
– nos amis de la cour franco-vénitiens
– nos amis d’en dessous et des îles et des maillots de bain
– nos amis d’en haut, et des deux côtés (cour et rue)
– notre gardienne adorable, et sa petite-fille qui toujours joue dans la cour avec le Museau
– notre local à vélo (les vélos y sont encore, je vais aller les chercher)
Tout un immeuble qui va nous manquer. Qui nous manque déjà.
En deux semaines, on a trouvé une nouvelle maison aux Museaux.
En deux semaines, on bougé le dedans de l’ancienne maison dans la nouvelle maison.

Comment fait-on tout celà en deux semaines?

En deux semaines, on visite quatre (non cinq) appartements dans une zone de pas plus de deux acres.
En deux semaines, on trouve Quompiègne (c’est l’endroit, la devise “Quompiègne que pourra”), appelle le propriétaire de Belfon, confirme que vu qu’il voulait vendre, c’est super si on part plus vite, signe un bail, appelle des déménageurs, signe un devis, envoie le Museau au ski (prévu de longue date, parfaite organisation a posteriori), envoie la Miaulette au vert, et on ouvre grand la porte aux déménageurs un dimanche matin.

Ensuite, on a emballé 55 cartons de livres, 45 cartons de foutoir, et une quantité incroyable de meubles, et presque une cinquantaine de cadres.

On a nettoyé (sommairement) cent vingt quatre mètres carrés de parquet point de Hongrie.
On a transporté quarante quatre mètres cubes d’affaires de museaux sur une distance de 483 mètres en vol d’oiseau (mais les oiseaux en question étaient plutôt costauds, et efficaces).

On a nettoyé (encore?) quatre vingt trois mètres carrés d’appartement vide (aussi en point de Hongrie).

On a regardé une dernière fois par la fenêtre sur la cour de Belfon.
On a eu le temps de dire au revoir à certains voisins, on repassera pour le dire à d’autres.
On a fermé la porte en se souvenant de la première fois qu’on avait visité Belfon (c’était plus sale qu’on ne le laisse, semble-t-il).

On a remonté la rue La Fayette sous le crachin.
On a posé les balais et les serpillières.
On s’est senti tout bizarre et tout seul.

Pour s’occuper, on a bougé des cartons ici, vidé d’autres là, poussé des autres (encore des cartons?) par là, remis d’aplomb le canapé, entassé des affaires là où elles ne pourront pas rester, trié un peu, fait un semblant de ménage, et on a repris le travail.

Et puis, hop, une semaine vient de filer entre vos doigts.
Comme ça.

Dimanche midi, ChaTigresse a pris l’avion pour Montréal.
Passé la nuit dans la pire tempête qu’ait connu Montréal (à tel point que Grüstüf, le mononcle des Museaux, qui rentrait samedi, est, en fait, toujours à Montréal ce soir, lui).
Attendu sous la tempête que l’avion d’Halifax veuille bien l’embarquer.
Et ce soir, si le vent se calme, elle vole vers Saint Pierre et Miquelon, riantes îles empêtrées au sud de Terre Neuve et sous un crachin glacé.

Dimanche soir, le Museau est rentré, de la montagne dans le nouvel appartement. Sa soeur lui a montré les recoins, les coins et les trécoins.

Lundi matin retour à l’école et à la routine. Comme si de rien n’était.

Sauf que dehors, ce soir, c’est la ville, les lampadaires, et les ambulances qui toulouloutent.
C’est plus ça:

Belfon va nous manquer. On ne vous le cache pas.
Et la ChaTigresse qui attend son vol sous la neige, à bout-du-monde en Nouvelle Ecosse de petit pois, ok, ça aussi, ça vous file le bourdon.

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